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  • Les travailleuses et travailleurs canadiens croulent sous le poids de la hausse de l’inflation

  • Les travailleuses et travailleurs canadiens croulent sous le poids de la hausse de l’inflation

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    Secrétaire-trésorière nationale d’十博官网在线 Lana Payne
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    Cet article a d’abord été publié dans le Toronto Star le 7 mai 2022.

    Le prix des aliments, de l’essence et d’autres biens de consommation augmente rapidement, plus rapidement, semble-t-il, que peuvent le faire les salaires de la plupart des travailleuses et travailleurs. Les prix moyens ont augmenté de 6,7 % le mois dernier, par rapport à l’année précédente. Le salaire moyen, quant à lui, a baissé de 1,6 %.

    La plupart des économistes semblent perplexes face à la cause profonde de l’inflation.

    La hausse des prix des biens de consommation pourrait être le résultat de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui affecte l’approvisionnement mondial en pétrole. Elle pourrait aussi découler de la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales ou d’une demande refoulée après deux années de restrictions liées à la pandémie. Il pourrait aussi très bien s’agir de l’opportunisme des entreprises qui gonflent les prix, des spéculateurs qui s’en prennent aux consommateurs pour augmenter leurs profits, ou encore de l’ensemble de tous ces facteurs ou de seulement quelques-uns d’entre eux.

    Quoi qu’il en soit, la stagnation des salaires canadiens, immuables face à la montée en flèche du coût de la vie, préoccupe grandement actuellement, poussant des familles désespérées à se tourner vers les banques alimentaires et à se demander comment elles vont payer les factures.

    L’économie canadienne a déjà subi d’importantes pressions inflationnistes par le passé, notamment dans les années 1970 et au début des années 1980. L’une des principales différences : les salaires, en particulier ceux dans les milieux de travail syndiqués, réagissaient beaucoup mieux aux effets de l’inflation des prix grâce aux rajustements en fonction du coût de la vie (les clauses dites de « rajustement de vie chère ») largement utilisés dans les conventions collectives.

    Les calculs étaient complexes, mais le principe était simple. Lorsque le prix des biens augmentait pendant la durée d’une convention collective de trois ou de quatre ans, les salaires augmentaient également, souvent de manière proportionnelle, compensant ainsi l’effet de l’inflation sur les chèques de paye des travailleuses et travailleurs. Ce type de dispositions existait dans divers secteurs, des usines d’automobiles aux supermarchés, préservant ainsi le pouvoir d’achat des travailleuses et travailleurs.

    Ces rajustements se faisaient automatiquement, parfois tous les trimestres ou annuellement. Dans de nombreux cas, les rajustements liés à l’inflation s’ajoutaient aux hausses du salaire horaire négociées par les comités de négociation syndicaux, offrant aux travailleuses et travailleurs un pouvoir d’achat nettement supérieur dans l’économie.

    En fait, près de la moitié des membres syndiqués ayant conclu des conventions en 1980 bénéficiaient d’une certaine forme de protection contre l’inflation, grâce à une clause de rajustement de vie chère, à une époque où les syndicats représentaient une part bien plus importante des travailleuses et travailleurs qu’aujourd’hui.

    Malgré les progrès considérables réalisés par les syndicats pour stabiliser les salaires grâce à des outils de négociation collective créatifs, les clauses de rajustement de vie chère n’étaient plus durables.

    Dans les années 1980, les gouvernements et les banques centrales ont pris des mesures draconiennes pour juguler l’inflation. Les taux d’intérêt ont atteint des sommets jamais vus auparavant, plongeant l’économie dans une récession. Les niveaux d’inflation ont considérablement chuté et sont demeurés faibles au cours des décennies suivantes. Dans ce contexte, le monde des affaires a mené une croisade contre les droits des travailleuses et travailleurs, le soutien de l’État et les libertés syndicales. Pour la plupart des syndicats qui luttaient pour survivre à cet assaut, s’accrocher au rajustement de vie chère semblait être le dernier de leurs soucis.

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    Au fil du temps, les clauses de rajustement de vie chère ont pratiquement disparu. En 2014, le nombre d’employés syndiqués bénéficiant d’une protection contre l’inflation a chuté à 1 %.

    Même dans les conventions pour lesquelles les syndicats se sont accrochés au rajustement de vie chère, bon nombre de ces clauses sont inactives, ou suspendues, indéfiniment.

    Pire, pendant cette même période, les employeurs se sont battus pour découpler la protection contre l’inflation des prestations de retraite. Les gouvernements ont fait de même pour les prestations d’aide sociale.

    Il n’est pas étonnant que les travailleuses et travailleurs canadiens aient l’impression d’avoir perdu de plus en plus de terrain. C’est le cas. Il n’est pas étonnant non plus qu’ils aient du mal à joindre les deux bouts. La plupart n’y arrivent pas.

    Ce n’est que récemment que les gouvernements provinciaux (grâce aux pressions soutenues des syndicats et des défenseurs des travailleuses et travailleurs) ont commencé à s’attaquer à ce problème en indexant les salaires minimums en fonction de l’inflation, une forme de rajustement de vie chère, mais seulement pour les travailleuses et travailleurs les moins bien rémunérés du Canada.

    En l’absence de clauses de rajustement de vie chère, les syndicats de tout le Canada déposent des demandes salariales importantes, et entreprennent des grèves le cas échéant, pour forcer les employeurs à augmenter les salaires au-delà de l’inflation.

    Le problème est que le taux de syndicalisation est beaucoup plus faible aujourd’hui que par le passé, alors que le rajustement de vie chère était monnaie courante. À moins que tous les employeurs ne se montrent disposés à fixer des salaires supérieurs à l’inflation, la situation de la population canadienne ne s’améliorera guère.

    Il est naïf de penser que la solution réside dans la capacité des travailleuses et travailleurs de jouer à saute-mouton sur le marché du travail, passant d’un emploi à l’autre sur un coup de tête, à la recherche de salaires supérieurs auprès d’employeurs disposés à payer.

    Pour maintenir avec efficacité notre niveau de vie en période de forte inflation, tous les ordres de gouvernement doivent faciliter la syndicalisation des travailleuses et travailleurs, comme l’a fait le gouvernement de John Horgan en introduisant l’accréditation syndicale en une seule étape en Colombie-Britannique. Le recours au pouvoir de la négociation collective pour trouver des moyens créatifs, comme les clauses de rajustement de vie chère, de revoir les salaires, est le meilleur moyen de stabiliser les industries et de créer des emplois de qualité.